Quand je prépare un entretien pour un poste d'ingénieur embarqué, la partie "test de codage en C/C++" est souvent celle qui me stresse le plus — et pour de bonnes raisons. Ce n’est pas seulement la logique algorithmique qui compte : il faut aussi démontrer une maîtrise des contraintes matérielles, de la gestion mémoire, et parfois de l’optimisation temps/mémoire. Voici comment je m’organise et ce que je conseille pour transformer ce point faible potentiel en atout.

Comprendre le format du test

Avant tout, je commence par clarifier le format du test. Les recruteurs proposent généralement trois types :

  • Un test en ligne (LeetCode, HackerRank, Codility) à réaliser sous contrainte de temps.
  • Un exercice à emporter (take-home) avec quelques jours pour répondre, souvent plus orienté système et design.
  • Une épreuve en live (pair programming ou whiteboard) durant l’entretien technique.
  • Savoir quel format vous attend permet d’adapter la préparation : entraînement chronométré pour les tests en ligne, prototypage et documentation pour les take-home, et simulation orale pour le live.

    Revoir les fondamentaux en C/C++ appliqués à l’embarqué

    Je fais ensuite une checklist des notions qu’il faut absolument maîtriser pour de l’embarqué :

  • Pointeurs et gestion mémoire : allocation statique vs dynamique, fuite mémoire, aliasing, pointeurs de fonctions.
  • Structures et packing : alignement, bitfields, représentation en mémoire.
  • Accès bas niveau : lecture/écriture de registres en mémoire, masques de bits, opérations bitwise.
  • Concurrence et temps réel : interruptions, mutex, section critique, coûts des context switches.
  • Optimisation : complexité temporelle/ mémoire, inlining, usage des registres, contraintes du compilateur.
  • Sûreté et robustesse : gestion d’erreurs, assertions, checksums, tests de bord.
  • Je passe en revue ces points en écrivant de petits programmes qui illustrent chaque concept. Par exemple, pour les bitfields je code des pack/unpack de messages CAN; pour les pointeurs j’écris des gestionnaires de buffers circulaires.

    Exercices pratiques et plateformes

    Pour l’algorithmie classique (tableaux, listes, arbres, tri, recherche), je m’entraîne sur :

  • LeetCode et HackerRank pour la vitesse et la familiarité avec les contraintes.
  • Exercices orientés systèmes sur SPOJ ou Sphere, quand on veut du challenge en C.
  • Mais pour la dimension embarquée, je complète avec :

  • Projets sur PlatformIO / Arduino pour manipuler le hardware réel.
  • Simulations avec QEMU (ARM) pour tester du code proche du target sans le matériel.
  • Exercices de bit manipulation et conversions (endianness, floats vs bits).
  • Je garde une bibliothèque personnelle d’exercices : implémentation d’un ring buffer, gestion d’un protocole simple (UART framing), parsers de messages binaires, algorithmes de détection de chevauchement de segments mémoire.

    Outils de développement et debugging

    Lors d’un test, vous pouvez être évalué sur votre capacité à utiliser les bons outils. Je me tiens à jour sur :

  • GDB et les commandes essentielles (break, step, backtrace, watch).
  • OpenOCD ou autres outils JTAG pour flasher et debugger sur cible.
  • Valgrind, asan et ubsan pour détecter des erreurs quand on teste en environnement hôte.
  • cppcheck ou clang-tidy pour l’analyse statique.
  • Je m’entraîne à reproduire des bugs courants et à les résoudre rapidement : dépassement de buffer, mauvaise gestion de l’alignement, condition de course simple. Savoir décrire clairement le bug et le root cause est aussi crucial que la correction.

    Stratégie pendant le test

    Pendant un test en live, j’applique une méthode simple mais efficace :

  • Reformuler le problème : je répète l’énoncé avec mes mots pour m’assurer qu’on est alignés.
  • Poser des hypothèses : sur les limites, le type d’input, conditions particulières.
  • Commencer par un cas simple : écrire une solution correcte (même naïve) puis l’améliorer.
  • Écrire des tests : même deux ou trois cas couvrant bordures et cas moyens.
  • Expliquer mes choix : pourquoi j’utilise un buffer circulaire, pourquoi j’évite malloc dans l’ISR, etc.
  • Les examinateurs cherchent autant la pensée structurée que le code parfait. Montrer que vous savez maintenir une approche méthodique fait une grande différence.

    Préparer un take-home assignment

    Si on vous donne un travail à la maison, traitez-le comme un mini-projet professionnel :

  • Fournir un README clair avec instructions de compilation/flash et hypothèses.
  • Inclure des tests unitaires (Unity, CMocka, Catch2) si possible.
  • Documenter les choix d’architecture et ce que vous auriez amélioré avec plus de temps.
  • Je prends soin d’utiliser des outils de build reproducible (CMake, platformio) et d’expliquer les choix des outils (cross-compiler, flags d’optimisation). Un dépôt propre et bien documenté impressionne souvent plus qu’un code hyper-optimisé mais illisible.

    Ressources que j’utilise régulièrement

    Voici quelques ressources que j’ai trouvées utiles :

  • Livres : "Embedded C Programming" (Michael J. Pont), "The C Programming Language" (Kernighan & Ritchie) pour les bases.
  • Sites : LeetCode/HackerRank pour l’algorithmie, PlatformIO et Arduino pour le hardware, QEMU pour la simulation ARM.
  • Outils : VSCode + PlatformIO / CLion pour CMake, GDB, OpenOCD, clang-tidy, cppcheck.
  • Je recommande aussi de garder un petit cahier (ou un repo) de "patterns" : snippets pour FIFO, debounce, watchdog handling, CRC calc, etc. Ces modèles reviennent souvent en entretien et sauvent du temps.

    Simulations d’entretien et retours

    Rien ne remplace la pratique avec un humain. Je m’organise des simulations avec un pair ou un mentor : un joue l’examinateur et pose des questions, l’autre code. Après chaque simulation, je note les points faibles (pas d’explication, oubli de vérifier les coins cases, mauvaise gestion des erreurs) et je refais l’exercice jusqu’à ce qu’il soit satisfaisant.

    Enfin, restez curieux et honnête. Si vous ne connaissez pas une API matériel ou une instruction spécifique, dites-le, proposez une alternative et expliquez comment vous chercheriez la solution. L’attitude compte beaucoup en entretien embarqué — on préfère souvent quelqu’un de pragmatique et apprenant qu’un "sachant" fermé.